La supplique pour être enterré sur la plage de Séte

 

 Georges Brassens  

33 Tours Georges Brassens IX 

1966

                   7:18

 

Auteur : Georges Brassens

Compositeur : Georges Brassens

 

J'ai repris la pochette du disque Georges Brassens IX qui contenait cette chanson. Chaque pochette des disques de Georges représentait à l'époque une essence d'arbre, avec leur plaquage pour empreinte. Et cette chanson, c'est elle-même l'empreinte d'un géant de la chanson de langue française. Une sorte d'ellipse de son art et de son talent. Rigueur du rythme et charme du chant. Austérité de la voix et puissance des mots. Maxime Le Forestier raconte que cette chanson La supplique pour être enterré sur la plage de Séte, Georges l'a laissé presque 10 ans au fond des tiroirs parce qu'un mot ne lui convenait pas : le mot "pédalo". Pendant 10 ans il a cherché autre chose avant de se résoudre à l'enregistrer quand même avec ce mot qu'il n'a pas pu remplacer par un autre. Même si on ne l'entend pas aussi souvent que beaucoup d'autres de ses titres, et on sait pourquoi, c'est probablement celle que les passionnés de Georges Brassens citeraient le plus souvent comme étant la meilleure, même si ce terme est sûrement mal approprié. Ce sont 7'19 où rien n'est à retirer. Tout a été raboté, poli et sculpté pour en faire une oeuvre parfaite. Maxime Le Forestier qui l'a reprise sur scène lors de ses tournées Brassens, la chantait plus musclée, en moins de 6'30. Pour celle-ci, je ne suis pas certain qu'il avait raison. Sa durée, c'est aussi son charme : comme la durée d'une vie.


 


La Camarde qui ne m'a jamais pardonné
D'avoir semé des fleurs dans les trous de son nez
Me poursuit d'un zèle imbécile
Alors cerné de près par les enterrements
J'ai cru bon de remettre à jour mon testament
De me payer un codicille

Trempe dans l'encre bleue du Golfe du Lion
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion
Et de ta plus belle écriture
Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord
Que sur un seul point, la rupture

Quand mon âme aura pris son vol à l'horizon
Vers celle de Gavroche et de Mimi Pinson
Celles des titis, des grisettes
Que vers le sol natal mon corps soit ramené
Dans un sleeping du Paris-Méditerranée
Terminus en gare de Sète

Mon caveau de famille, hélas n'est pas tout neuf
Vulgairement parlant, il est plein comme un œuf
Et d'ici que quelqu'un n'en sorte
Il risque de se faire tard et je ne peux
Dire à ces braves gens "poussez-vous donc un peu"
Place aux jeunes en quelque sorte

Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus
Creusez si c'est possible un petit trou moelleux
Une bonne petite niche
Auprès de mes amis d'enfance, les dauphins
Le long de cette grève où le sable est si fin
Sur la plage de la corniche

C'est une plage où même à ses moments furieux
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux
Où quand un bateau fait naufrage
Le capitaine crie "je suis le maître à bord"
Sauve qui peut, le vin et le pastis d'abord
Chacun sa bonbonne et courage

Et c'est là que jadis à quinze ans révolus
À l'âge où s'amuser tout seul ne suffit plus
Je connus la prime amourette
Auprès d'une sirène, une femme-poisson
Je reçus de l'amour, la première leçon
Avalais la première arête

Déférence gardée envers Paul Valéry
Moi l'humble troubadour sur lui je renchéris
Le bon maître me le pardonne
Et qu'au moins si ses vers valent mieux que les miens
Mon cimetière soit plus marin que le sien
Et n'en déplaise aux autochtones

Cette tombe en sandwich entre le ciel et l'eau
Ne donnera pas une ombre triste au tableau
Mais un charme indéfinissable
Les baigneuses s'en serviront de paravent
Pour changer de tenue et les petits enfants
Diront "chouette, un château de sable"

Est-ce trop demander sur mon petit lopin
Plantez, je vous en prie une espèce de pin
Pin parasol de préférence
Qui saura prémunir contre l'insolation
Les bons amis venus faire sur ma concession
D'affectueuses révérence

Tantôt venant d'Espagne et tantôt d'Italie
Tous chargés de parfums, de musiques jolies
Le Mistral et la Tramontane
Sur mon dernier sommeil verseront les échos
De villanelle, un jour, un jour de fandango
De tarentelle, de sardane

Et quand prenant ma butte en guise d'oreiller
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume
J'en demande pardon par avance à Jésus
Si l'ombre de ma croix s'y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume

Pauvres rois pharaons, pauvre Napoléon
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon
Pauvres cendres de conséquence
Vous envierez un peu l'éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances

Vous envierez un peu l'éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances

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