Jean FERRAT
CD Ferrat 1995
1995
7’33
Auteur : Louis Aragon
Compositeur : Jean Ferrat
Un poème d'Aragon dans le second disque que Jean Ferrat a consacré au poète.. " La vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents traversent ". Celui qui nous a quitté en 2010 aura mis en musique une trentaine de poèmes de Louis Aragon. Celui-ci, long poème écrit en vers de 18 pieds, a été repris dans le disque paru en 1995 et il terminait sa production de chansons enregistrés en studio. La voix y est moins nette qu'à ces débuts mais la force de cet Épilogue de la vie réunit 2 poètes à la fois engagés et remplis de doutes
"J'écrirai ces vers à bras grands ouverts qu'on sente mon cœur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant"
La vie aura passé comme un grand château triste que tous les vents
traversent
Les courants d’air claquent les portes et pourtant aucune
chambre n’est fermée
Il s’y assied des inconnus pauvres et las qui sait
pourquoi certains armés
Les herbes ont poussé dans les fossés si bien
qu’on n’en peut plus baisser la herse
Quand j’étais jeune on me
racontait que bientôt viendrait la victoire des anges
Ah comme j’y ai cru
comme j’y ai cru puis voilà que je suis devenu vieux
Le temps des jeunes
gens leur est une mèche toujours retombant dans les yeux
Et ce qu’il en
reste aux vieillards est trop lourd et trop court que pour eux le vent
change
J’écrirai ces vers à bras grands ouverts qu’on sente mon
cœur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma
voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu’on
voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu’il y perd
qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Je vois tout ce que vous avez
devant vous de malheur de sang de lassitude
Vous n’aurez rien appris de
nos illusions rien de nos faux pas compris
Nous ne vous aurons à rien
servi vous devrez à votre tour payer le prix
Je vois se plier votre
épaule A votre front je vois le pli des habitudes
Bien sûr bien sûr
vous me direz que c’est toujours comme cela mais justement
Songez à tous
ceux qui mirent leurs doigts vivants leurs mains de chair dans l’engrenage
Pour
que cela change et songez à ceux qui ne discutaient même pas leur cage
Est-ce
qu’on peut avoir le droit au désespoir le droit de s’arrêter un moment
J’écrirai
ces vers à bras grands ouverts qu’on sente mon cœur quatre fois y battre
Quitte
à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je
suis le faucheur ivre de faucher qu’on voit dévaster sa vie et son champ
Et
tout haletant du temps qu’il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Songez
qu’on n’arrête jamais de se battre et qu’avoir vaincu n’est trois fois rien
Et
que tout est remis en cause du moment que l’homme de l’homme est comptable
Nous
avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d’épouvantables
Car il
n’est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien
Et
vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoire
Rappelez-vous
que nous avons aussi connu cela que d’autres sont montés
Arracher le
drapeau de servitude à l’Acropole et qu’on les a jetés
Eux et leur gloire
encore haletants dans la fosse commune de l’histoire
J’écrirai ces
vers à bras grands ouverts qu’on sente mon cœur quatre fois y battre
Quitte
à en mourir je dépasserai ma gorge et ma voix mon souffle et mon chant
Je
suis le faucheur ivre de faucher qu’on voit dévaster sa vie et son champ
Et
tout haletant du temps qu’il y perd qui bat et rebat sa faux comme plâtre
Je
ne dis pas cela pour démoraliser Il faut regarder le néant
En face pour
savoir en triompher Le chant n’est pas moins beau quand il décline
Il
faut savoir ailleurs l’entendre qui renaît comme l’écho dans les collines
Nous
ne sommes pas seuls au monde à chanter et le drame est l’ensemble des
chants
Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu’une
voix se taise
Sachez-le toujours le chœur profond reprend la phrase
interrompue
Du moment que jusqu’au bout de lui-même Le chanteur a fait ce
qu’il a pu
Qu’importe si chemin faisant vous allez m’abandonner comme une
hypothèse
J’écrirai ces vers à bras grands ouverts qu’on sente mon
cœur quatre fois y battre
Quitte à en mourir je dépasserai ma gorge et ma
voix mon souffle et mon chant
Je suis le faucheur ivre de faucher qu’on
voit dévaster sa vie et son champ
Et tout haletant du temps qu’il y perd
qui bat et rebat sa faux comme plâtre
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